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Should I stay or should I go ?

Avant l'heure, je vais répondre ici à la question que tout le monde me pose déjà :

"- Alors, tu vas revenir t'installer ?"


Sans surprise sans doute pour certains, la réponse aujourd'hui est clairement non.

Pas seulement parce que c'est loin de tout ce(ux) que j'aime, qu'on a l'impression - quelque soit l'île - d'évoluer dans un seul et même poster exotique et que la vie ici est tellement chère… mais aussi pour deux raisons beaucoup plus profondes :


1 - Je ne me sens pas chez moi. Et oui… même si ces paysages, ces lumières, ces odeurs ont bercé ma petite enfance, je me suis retrouvée cette année dans un pays étranger, où je me sens trop différente. La langue, les coutumes, la façon d'être même des tahitiens, leur "kultur", sont à mille lieues de mon monde, celui où j'ai grandi, puis vieilli. Bien sûr le climat est idyllique et les couleurs magiques. Je reste amoureuse du lagon, des fleurs et des cocotiers. Mais tout ça ne compense pas le sentiment de décalage permanent, et un certain désenchantement face à une vie culturelle, politique, intellectuelle qui existe peut-être sous une autre forme, mais ne répond pas à mes attentes.


En effet en amour comme dans la vie… je suis d’abord séduite par l’intelligence, les idées, les débats entre personnalités brillantes aux cerveaux affûtés, la fulgurance d’une opinion éclairée, l’analyse, les mots choisis, l’ouverture d’esprit.

Je ne l’ai pas trouvée ici. Autour de l’île comme dans les journaux ou la télévision locale, tout reste très… limité. On y parle de sport, de cuisine, de danse et de quelques potins de quartier. Rarement de sujets de fond. Je m’interroge parfois : est-ce que la parole est empêchée ici ? Où est-ce que les esprits sont anesthésiés par trop de chaleur et de beauté ?

Qu’est-ce qui pèche ? Tant de choses dysfonctionnent. Personne n’en parle. J’ai l’impression parfois, qu’un espèce de chantage se fait. Il est possible de profiter du paradis, à condition de ne pas parler de l’envers de la médaille. La pauvreté, l’ignorance, la corruption, le racisme, la violence, la bêtise aussi parfois. Pas d’intellectuel polynésien dans mon radar. Vaimalama Chavez, miss France 2019 me fait l’effet d’une intello locale, c’est dire… Mais sans doute n’ai-je pas encore rencontré les bonnes personnes. Je me fie juste à ces quelques mois de vie en Polynésie, où sous les palmiers de la plage, je ne vois que des tahitiens tranquilles tuer le temps les yeux dans le vague, au son des guitares et des ukulélés. C'est reposant un temps, un peu désespérant pour moi à long terme.


2 - Je ne me sens pas non plus la bienvenue. Je vais peut-être jeter un pavé dans la mare, parce que l'accueil et la gentillesse des tahitiens est réelle, légendaire et vantée partout. Mais les temps changent je crois, et l'attitude des natifs des îles peut aussi être différente selon les intentions du popa'a (blanc) : simple touriste ou aspirant à l'installation ?

Comme dans beaucoup d'îles et de petits territoires, il est vrai que chaque personne qui arrive pour travailler prive potentiellement d'emploi un insulaire. Il y a aussi le problème des terres, qui ont été trop vendues à des "étrangers", les prix de l'immobilier qui s'envolent, les constructions nouvelles qui défigurent les paysages… Un vaste sujet bien complexe - je ne me sens pas légitime pour en parler ici. Certains ont certainement abusé… ce qui conduit doucement à un rejet latent mais de plus en plus perceptible du popa'a et du "farani" (français). A tel point qu'il existe une "île interdite" et qu'une loi vient d'être votée pour empêcher les non résidents d'acheter un bien immobilier - pour tous ceux qui sont là depuis moins de 10 ans, il va falloir à présent payer des taxes exorbitantes. Seuls les (très) riches étrangers pourront donc continuer à acheter… Absurdistan polynésien !

Au-delà des lois, il y a aussi l'attitude générale, les terrains privés gardés par des chiens, les accès à la mer fermés, les randonnées contraintes (il faut un guide) et derrière les sourires, des portes généralement fermées. Les deux communautés (tahitienne / popa'a) ne se mélangent guère, les exceptions sont rares, les deux mondes restent majoritairement étanches. Si je me suis bel et bien fait des amis ici, ils sont européens, et parfois juste de passage.

Alors voilà, je vais faire ce que beaucoup d'internautes polynésiens suggèrent aux métropolitains sur les réseaux sociaux : je vais rentrer chez moi… Je reviendrai peut-être, mais pour des séjours plus courts, si les îles tropicales me manquent trop. Mais m'installer, non. Ce séjour aura au moins servi à répondre à cette question ;)


En conclusion de ce post un peu long, deux citations que j'aime bien :

"L'herbe n'est pas plus verte ailleurs, elle est plus loin et puis c'est tout"

"Il n’y a pas de monde parfait. Mais ça ne veut pas dire que ça ne peut pas être incroyable !"





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