La solitude - Ma bravitude
- aureliajaeger
- 3 oct. 2021
- 3 min de lecture
Avant mon départ pour la Polynésie, au-delà des encouragements, propos étonnés, parfois jaloux ou un peu envieux, certains me trouvaient "courageuse" de partir ainsi et je m'en étonnais. Il n'y avait rien en effet alors de courageux pour moi que de céder à cette irrésistible envie de partir vivre mon rêve sous les tropiques. Je me trouvais parfois un peu folle, culottée certainement d'oser ainsi tout plaquer pour aller buller sous les cocotiers, mais en aucun cas héroïque ou digne d'une quelconque admiration.
Mais maintenant je commence à comprendre je crois.
Après l'émerveillement des premiers jours, la joie intense éprouvée dans ces paysages somptueux, le plaisir de la (re)découverte, je sens naître doucement une autre sensation. Comme un malaise diffus, un inconfort, une boule dans le ventre liée à un profond sentiment de solitude. C'est assez banal je pense. La disparition de la vie sociale laisse petit à petit la place à un vide omniprésent, qu'eaux turquoises et sables dorés peinent à combler. Je sens petit à petit diminuer mon alégresse pour embrasser une nouvelle existence plus solitaire et trop silencieuse qui me laisse parfois aux bord des larmes lorsqu'on approche de la fin du jour. Ma vie de résidente ici a une toute autre figure que celle imaginée après mes vacances polynésiennes, où j'étais partie seule certes, mais pour un mois, dans des pensions de famille où je croisais du monde et enchainais les activités.
Oh bien sûr je croise de plus en plus de gens. Mais établir de vraies relations prend du temps, et l'affection dont j'étais entourée avant de partir me manque cruellement en cette période de transition. J'étais seule à Nantes aussi, mais la proximité de ma famille et de mes proches amis avait petit à petit atténué cette impression de déréliction née en 2016 au lendemain de ma séparation. Et cette pathétique angoisse refleurit ici, entre lagons chatoyants et nature exubérante.
Une émotion dissonante, dont j'ai un peu honte et contre laquelle je veux me battre encore une fois.
Pour commencer j'ai établi quelques règles qui devraient me maintenir à flot le temps de retrouver assurance, confiance et affection autour de moi. Parce que oui, flûte alors, c'est bien moi qui ai choisi de venir toute seule ici ! Assez pleurniché, changeons de stratégie ! J'ai décidé :
- de ne pas culpabiliser de ne rien faire - parce que c'est si bon
- de tâcher de profiter de l'instant, de toutes ces caresses du soleil, de l'eau et du vent sur ma peau
- de ne pas écouter trop de musique parce que c'est la porte ouverte à trop de souvenirs
- d'abuser de bons petits plats, et d'un verre de vin de temps en temps (c'est tellement cher, je ne finirai pas alcoolique ici, rassurez-vous...)
- d'arrêter de regarder Instagram en boucle avec toutes ces familles ou couples expatriés qui me noient sous leurs moments de bonheurs tropicaux tout dégoulinants d'amour et de ciels bleus
- de continuer à lire, dessiner, et de me remettre à écrire
- de cultiver les liens qui me relient à ceux que j'aime, même à distance
- et enfin de me réjouir parce que dans un peu plus de 2 mois (ô joie) j'ai presque tous mes garçons qui me rejoignent, pour me tenir chaud à Noël.
Cette expérience je l'ai voulue, je suis contente de la vivre. C'est plus difficile qu'imaginé, mais si je n'étais pas partie, je l'aurais regretté toute ma vie, et aurais continué à fantasmer sur une vie rêvée édulcorée.
Ce sera tout pour aujourd'hui. J'espère ne pas avoir plombé l'ambiance ;)
Bienvenue dans ma vraie vie sans langue de bois (celle qui ne s'étale ni sur Facebook, ni sur Instagram… )
Cadeau bonus : https://www.youtube.com/watch?v=SS4h4BjKfp0
Un chouette film sur l'expérience vécue par un brave gars suisse qui exprime tout haut ce que je pense parfois tout bas :
"ça m'a pris sans prévenir, j'étais au fond du trou, à 22.000 km de chez moi. Tout seul, loin de ma famille, de mes amis, de mon frigo, et le pire c'est que c'était mon idée" (7'05)
"pour moi en tout cas tout seul c'est pas top, je préfèrerais être avec quelqu'un… autrement ici ça va, c'est juste dur parce que je suis tout seul" (13'58)
"la solitude c'est quelque chose de… quelque chose d'horrible, en tout cas pour moi" (18'25)
Alors bien sûr son trip à lui est infiniment plus aventureux, plus extrême, mais dans une moindre mesure, je m'y retrouve : ce qu'il y a de plus difficile, c'est la solitude*, partout, toujours. Les cocotiers n'y peuvent rien.
*La vraie solitude (pas la parenthèse enchantée de 15 jours où tu vas marcher tout seul dans la montagne hein ;)

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