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Grosse déception

  • aureliajaeger
  • 6 févr. 2022
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 5 mars 2022

Kate, ma belle-fille, ne viendra pas. Sa demande de visa de transit, obligatoire pour voyager via les USA, a été refusée. Passeport vietnamien, mariage récent, ni adresse ni contrat de travail en France… les services de l'ambassade américaine, avec la paranoïa bornée qui les caractérise souvent, ont sans doute craint qu'elle ne s'échappe à l'aéroport de San Francisco pour tenter de s'installer en Amérique. Quelle fatuité ! Penser toujours que l'obsession de tout le monde est de poser ses valises chez l'oncle Sam. Mais non. Ce rêve américain ne nous intéresse pas. Mes enfants voulaient juste venir me voir.


C'est idiot aussi, tout ce cirque pour 2 heures de transit. Pourquoi ne pas laisser les passagers dans l'avion ? Ainsi pas d'immigration clandestine à craindre. Je ne comprends pas. Lorsque leurs frontières étaient fermées, on passait par le Canada, sans descendre. Depuis la reprise du trafic normal, les compagnies ont repris leurs routes via les Etats-Unis, avec tout ce que ça implique de contraintes et de tracasseries supplémentaires. Les ressortissants étrangers ne bénéficiant pas du dispositif ESTA font souvent l'objet de chicaneries pénibles et intrusives (il faut fournir feuilles de paie, relevés de comptes et preuves de bonne foi à rallonge). Certains choisissent alors de passer plutôt par le Japon, ou l'Australie. Choisissaient. Parce que ces lignes ne sont pas encore rouvertes.


Enfin voilà, j'avais prévu ce week-end de faire un tour au salon du tourisme pour nous réserver activités et petit voyage dans les îles. Je m'y suis retrouvée toute triste et désœuvrée, les plans tombant à l'eau. J'ai juste acheté quelques billets de bateau, puis suis repartie le cœur lourd, maudissant les Etats-Unis, ses fonctionnaires et ses lois, regrettant de vivre dans un monde où les gens n'étaient plus libre de voyager, d'aller où bon leur semble et de se retrouver.


Je me suis sentie un peu perdue, et surtout beaucoup trop loin. Loin des miens qui peinaient à me rejoindre, loin de tout, plus à ma place dans cette île inaccessible, battue par les vagues et à des kilomètres de ceux que j'avais envie d'embrasser. J'en ai voulu à tout le monde, j'étais triste et seule dans ma voiture, que j'avais mise sur le bateau pour visiter un peu Tahiti.


Alors j'ai roulé autour de l'île, que je n'ai pas trouvée jolie (j'étais grognon je vous dis). Il y avait trop de voitures, trop de circulation, trop de gens partout, trop de constructions. Un peu plus de calme vers la presqu'île où je suis allée jusqu'au bout de la route pour voir Teahupoo. Un bout du monde mélancolique habité de vieux surfeurs misérables et d'adolescents en week-end qui écoutaient de la musique très fort sur la plage de sable noir. Même pas de vagues, pas un café, rien qui vaille la peine de rester là.


Aujourd'hui ça va un peu mieux. Mon grand fils va peut-être venir quand même mais restera moins longtemps. Je n'ose plus y croire ni prévoir quoi que ce soit. Mais j'espère.


Je suis rentrée à Moorea, où je me sens quand même davantage chez moi. Le ciel est bleu, le soleil brille, et je vais voir des gens sympas ce soir. Il n'empêche. Cette injustice m'affecte, au-delà de la peine que j'éprouve à devoir attendre encore, pour pouvoir rencontrer ma nouvelle belle-fille si jolie, qui pleurait doucement, meurtrie par la méchanceté de ces gens. Ces hommes blancs indifférents, supérieurs et arrogants, qui s'octroient le pouvoir démesuré de la priver de voyager. Alors que chez eux, l'hospitalité est reine et l'étranger accueilli avec chaleur et respect. J'ai eu honte, et je regrette de ne pas pouvoir lui dire en face combien je suis désolée de toute cette absurdité. J'ai hâte maintenant de rentrer aussi pour ça.


Teahupoo



 
 
 

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